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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/279

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mauvaise ! C’est pourquoi je vous avais prié de venir me voir à Londres. Je croyais pouvoir tout vous dire. J’essayai, mais je ne le pus. J’allais peut-être tout vous avouer lorsqu’il entra.

Elle s’arrêta en frissonnant de tout son corps, puis elle continua :

— Maintenant je vais tout vous dire. Croyez-vous qu’une femme qui a pleuré, prié et lutté pour être sauvée d’elle-même puisse être un assassin ?

— Grand Dieu ! s’écria Deronda, ne me torturez pas sans nécessité ! Vous ne l’avez pas assassiné ; vous vous êtes jetée à l’eau pour le sauver. Sa mort est un accident que vous ne pouviez empêcher !

— Ne vous impatientez pas contre moi. — Ses pauvres lèvres tremblaient, et son ton suppliant était celui d’un enfant qui a peur et qui implore le pardon. — Vous disiez… vous aviez coutume de dire… que vous vous intéressiez le plus à ceux qui avaient fait une mauvaise action et qui étaient malheureux ; vous ajoutiez qu’ils pouvaient devenir meilleurs. Si vous n’aviez pas parlé ainsi ç’aurait été pire. Je me suis souvenue de tout ce que vous m’avez dit ;.. je m’en suis toujours souvenue,.. et c’est pour cela que je… Mais, si vous ne pouvez endurer que je vous dise tout, si vous vous éloignez de moi, si vous m’abandonnez, que deviendrai-je ?.. Suis-je plus mauvaise que quand vous m’avez trouvée et que vous avez voulu me rendre meilleure ? Tout le tort que j’ai fait était en moi alors… il l’aurait été bien davantage si vous n’étiez venu et si vous n’aviez été patient avec moi… Et aujourd’hui voudriez-vous m’abandonner ? — Ses mains, que quelques instants plus tôt elle serrait convulsivement l’une contre l’autre, pendaient maintenant inertes à ses côtés. Dans l’impossibilité de rien répondre, Daniel lui prit une main qu’il serra dans les siennes, comme pour lui dire : « Je ne vous abandonnerai pas. »