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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/319

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LX


Ce que Mirah avait regardé comme une menace allait se réaliser. En revenant de Knights-Bridge, après avoir chanté dans une maison opulente où Klesmer l’avait introduite, elle s’aperçut qu’elle était suivie par un homme qui réglait son pas sur le sien. Sa toilette, qui consistait en une simple robe de soie noire sur laquelle elle avait jeté un manteau de couleur sombre, ne pouvait faire d’elle un objet d’attention, ni de sa rentrée à pied une imprudence. Mais cette réflexion ne s’offrit pas à son esprit qui avait couru une alarme d’un autre genre. Immédiatement elle pensa à son père et n’osa pas regarder autour d’elle. Elle continua donc sa marche sans presser le pas. À quoi cela lui aurait-il servi ? Mais elle s’efforça de se figurer ce qui arriverait si l’homme qui la suivait était, en effet, son père. Elle regrettait d’avoir donné à madame Meyrick sa parole de tout lui révéler en ce cas ; néanmoins elle était bien décidée à éviter autant que possible à son frère le choc inévitable que lui causerait cette rencontre. Sous la pression de ce motif, elle se promit de se retourner avant d’atteindre sa porte et de faire