Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoir m’imposer. J’ai déjà tâché de vous dire ce qu’il y a de pire en moi. Que dois-je faire ?

— Si personne que vous n’était intéressé à cette question, j’oserais à peine insister contre votre résolution ; mais je me guide sur votre sollicitude pour madame Davilow, qui me paraît juste. Je ne pense pas que les devoirs de votre mari envers vous soient annulés par aucune action que vous ayez commise. Il est entré volontairement dans votre vie, et il en a affecté le cours de la manière la plus tyrannique. En laissant même ce point à l’écart, il était obligé, dans sa position, de pourvoir à l’entretien de votre mère, et il a naturellement compris que, si ce testament devait avoir son effet, elle partagerait la provision faite pour vous.

— Elle a eu huit cents livres par an. Je pensais les prélever et abandonner le reste, dit Gwendolen.

— Votre devoir n’est pas de limiter cette clause. Vous en feriez une énigme pénible pour madame Davilow. Un revenu dont vous vous priveriez lui rendrait le sien trop amer. Votre situation aussi deviendra difficile. Nous avons été d’accord à Gênes que le fardeau qui surcharge votre conscience ne doit être connu de personne. Votre avenir sera beaucoup plus bienfaisant si vous épargnez aux autres la peine que leur causerait cette certitude. À mon avis, vous n’avez qu’à adhérer aux clauses du testament de votre mari, et à laisser à vos remords le soin de vous dire l’usage le meilleur que vous pourrez faire de votre indépendance.

— Je me soumets à votre décision ; mais quelle autre chose ferai-je encore ? — Elle ne put dire que ces seules paroles, et même ce fut trop dans l’état d’émotion où elle était ; elle sentit son impuissance et ne put retenir de grosses larmes qui tombèrent de ses yeux. Deronda souffrait aussi ; mais les conséquences imminentes étaient