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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/351

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route de l’erreur, vous a pris par la main et vous a montré l’horreur de la vie que vous deviez éviter. Puisque cela vous est arrivé dans votre printemps, pensez-y comme à une préparation. Vous pouvez, vous voulez être une des femmes les meilleures et vous conduire de façon que les autres s’estiment heureux que vous soyez née.

Ces paroles furent pour Gwendolen comme l’attouchement consolateur d’une main miraculeuse. Des émotions diverses parcoururent tout son être avec une force qui semblait le commencement d’une nouvelle existence, tant est fécond l’espoir divin du relèvement moral. Mais cette nouvelle existence, elle ne pouvait la séparer de la présence de Deronda ; elle ne demandait pas qu’il l’aimât, ni qu’il s’attachât à elle ; non ! elle ne voulait que respirer le souffle de son esprit. Elle ne répondit pas. Daniel s’avança, et, lui tendant la main, dit :

— Je ne veux pas vous fatiguer.

Elle tressaillit à l’idée qu’il allait partir et mit sa main dans la sienne, sans rien dire.

— Vous paraissez encore souffrante. Vous n’êtes pas redevenue vous-même, ajouta-t-il en lui serrant la main.

— Je dors peu, répondit-elle avec son ancien accent découragé. Les choses se renouvellent en moi, toujours les mêmes ; elles reviennent, elles reviendront sans cesse, murmura-t-elle en frissonnant.

— Elles s’affaibliront graduellement, dit Deronda, qui ne pouvait pas se décider à lâcher sa main, ni à s’éloigner brusquement.

— Sir Hugo a le projet de venir demeurer à Diplow. dit-elle. Vous y viendrez aussi ?

— Probablement, répondit-il ; mais, sentant que ce mot était trop froid, il ajouta comme correctif : — Oui, j’irai ; puis il laissa aller sa main après une pression amicale dont la signification voulait dire : « Au revoir ! »