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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/386

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— Nous ne serons pas tout à fait séparés, dit-il ; je vous écrirai toujours… quand je le pourrai. Me répondrez-vous ?

Il attendit jusqu’à ce qu’elle eût murmuré :

— J’essayerai.

— Je serai encore plus avec vous que par le passé, continua Daniel en lâchant sa main et en se relevant. Si nous avions été souvent ensemble nous aurions trop senti les différences qui nous séparent. Peut-être ne nous reverrons-nous plus, mais nos esprits se rapprocheront.

Gwendolen ne répondit pas et se leva aussi. Elle sentit qu’il allait partir et que rien ne pourrait l’en empêcher. Deronda aurait voulu la quitter ainsi, mais c’était difficile, car ses yeux étaient fixés sur lui et le retenaient. Il lui tendit la main ; elle y posa la sienne et dit :

— Vous avez été bien bon pour moi et je ne le méritais pas !.. J’essayerai… Je tâcherai de vivre ; je penserai à vous… Quel bien ai-je fait ?.. Rien que du mal. Que je ne sois pas un mal pour vous !… Ce sera meilleur pour moi…

Elle ne put achever. Elle se pencha en avant, le baisa sur la joue et Deronda lui rendit son baiser. Puis, il partit.

Madame Davilow entra peu après et trouva sa fille assise.

— Gwendolen, ma chérie, tu parais bien souffrante, dit-elle en prenant les mains glacées de sa fille.

— Oui, maman ; mais n’en soyez pas effrayée, répondit-elle en fondant en larmes.

Sa mère la fit mettre au lit et resta auprès d’elle. Durant le reste du jour et une partie de la nuit, elle eut des crises nerveuses fréquentes, au milieu desquelles, en pleurant, elle disait à sa mère :

— Ne soyez pas effrayée, maman… Je vivrai !… Je veux vivre !…