Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/70

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— Tout cela est du persifflage ; vous ne pensez pas un mot de ce que vous dites, Meyrick, dit Deronda en mettant la main sur l’épaule de Hans et en se sentant soulagé. J’étais fou de vous répondre sérieusement.

— Sur mon honneur je pense ce que je dis, répliqua Hans en posant à son tour sa main sur l’épaule de Deronda, de sorte que leurs yeux se rencontrèrent et s’arrêtèrent fixement les uns dans les autres. Je suis au confessionnal. Je voulais vous en parler sitôt votre arrivée. Ma mère dit que vous êtes le tuteur de Mirah, et se croit responsable de tout ce qui lui arriverait chez elle. Eh bien, je l’aime, je l’adore, je ne veux pas désespérer, je veux la mériter.

— Mon pauvre ami, cela ne se peut.

— J’aurais dû dire : je veux essayer de la mériter.

— Vous ne pourrez tenir cette résolution, Hans. Vous penserez à ce que vous devez à votre mère et à vos sœurs.

— Vous avez le droit de me faire des reproches, mon vieil ami, dit Hans avec douceur.

— Peut-être suis-je peu généreux ! s’écria Deronda, sans pourtant s’excuser ; mais ce n’est pas manquer de générosité si je vous avertis que vous vous livrez à des espérances vaines.

— Qui sera blessé si ce n’est moi, alors ! demanda Hans. Je ne lui dirai rien sans que je me croie sûr de la réponse. Je n’ose pas consulter les oracles, je préfère une heureuse caliginosité, comme dirait sir Thomas Browne ; je préfère courir la chance de perdre ici, que d’être sûr de gagner ailleurs. Toutefois, je ne boirai pas le poison du désespoir, bien que vous soyez disposé à me le verser. J’ai renoncé au vin ; laissez-moi un peu m’abreuver d’espoir et de vanité.

— De tout mon cœur, si cela peut vous faire quelque bien, répondit Daniel en repoussant légèrement Hans. Il avait fait tout son possible pour lui cacher son sentiment réel.

Quand il arriva à Chelsea, Deronda ne fut pas aussi