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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/71

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rassuré qu’il l’aurait voulu, en constatant l’absence d’inquiétude de madame Meyrick sur son fils bien-aimé. Mirah semblait plus gaie que jamais et, pour la première fois, il la vit rire, quand on parla de Hans, naturellement premier sujet d’entretien de la mère. Mirah voulait savoir si Deronda avait vu Hans faire tous les rôles d’une pièce sans changer de costume.

— Il passe d’une figure à l’autre aussi vite que l’éclair, dit-elle ; il est d’une promptitude étonnante. Au théâtre, j’avais peu de goût pour les choses comiques ; elles duraient trop longtemps. Mais, en moins d’une minute, M. Hans fait le barde aveugle, puis Rienzi exhortant les Romains, ensuite un danseur et enfin un jeune désespéré ; j’en suis peinée pour eux, mais je ne puis m’empêcher de rire de les voir tous réunis en un seul. Et elle poussa un petit éclat de rire, ressemblant au chant du rossignol.

— Avant que Hans ne vînt, nous ne nous imaginions pas que Mirah pût rire, dit madame Meyrick en voyant Deronda qui l’observait.

— Hans paraît être en pleine force maintenant, dit Deronda d’un ton de congratulation ; je ne m’étonne pas qu’il vous égaie.

— Il n’a pas cessé d’être parfait depuis qu’il est revenu, répondit madame Meyrick, qui avait pris pour elle la dernière observation, pourvu que cela dure !

— C’est un grand bonheur, dit Mirah, de voir le fils et le frère dans cette chère maison. Je les entends parler de ce qu’ils ont fait quand ils étaient petits, et on se croit au ciel quand on voit une mère et un frère qui parlent de cette manière… Je n’ai jamais eu ce bonheur.

— Ni moi, dit Deronda involontairement.

— Vraiment ! s’écria-t-elle d’un ton de regret. Je voudrais que vous l’eussiez eu ; je voudrais que vous eussiez eu tout le bonheur possible !