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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/91

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celle-ci ne peut convenir, comment ferons-nous pour en avoir une d’ici à mercredi ? c’est demain samedi !

— Elle doit aller, insista Mirah. Elle est réelle, vous savez… même quand elle semblerait théâtrale. La pauvre Bérénice assise sur les ruines, — chacun peut dire que c’était théâtral, mais je sais que c’est ce qu’elle aurait fait.

— Je suis un scélérat ! s’écria Hans démonté par cette confiance mal placée. C’est de mon invention. Personne ne sait si elle l’a fait. Me pardonnerez-vous de ne pas vous l’avoir avoué plus tôt ?

— Oh ! oui ! dit Mirah après une pause de surprise momentanée. Vous saviez que c’est ce qu’elle ferait certainement ! Une juive qui n’avait pas été fidèle, qui avait fait ce qu’elle fit et qui s’en repentait ! Elle ne pouvait avoir d’autre consolation que de s’affliger elle-même !.. Et où serait-elle allée ?.. C’est très bien à vous d’être si parfaitement entré dans les sentiments qu’une juive doit éprouver !

— Les juives de ce temps-ci, assises sur des ruines ! dit Hans qui se sentait échec et mat. Cela n’est bon que pour des tableaux

— Mais la toilette, insista Amy, est-elle décidée ?

— Oui, n’est-ce pas ? dit Mirah d’un ton suppliant, en regardant madame Meyrick, qui, à son tour, regarda son fils, et lui demanda :

— Qu’en penses-tu, Hans ?

— Cette toilette ne peut aller, répondit-il avec dérision. Mirah ne va pas s’asseoir sur des ruines. Prenez un cab, petite mère, et allez avec elle dans Regent street. Vous avez grandement le temps de trouver ce qu’il faut : une robe de soie noire, comme les dames en portent ; on ne doit pas la prendre pour une enfant de charité. Elle a assez de talent pour que les autres soient ses débiteurs.

— Je crois que c’est ce qu’aimerait M. Deronda, dit madame Meyrick ; il voudrait qu’elle eût une jolie toilette.