Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fibres, au cœur de M. Garth, n’aient pas alors ressenti leur vibration d’autrefois vers le même but qui maintenant se révélait à Fred. L’incident déterminant, dans la vie, n’est souvent que le contact du feu avec un point où se trouve de l’huile et de l’étoupe ; et il sembla toujours à Fred que le chemin de fer avait amené pour lui ce contact désiré. Mais ils continuaient à travailler sans parler, sauf quand le travail l’exigeait. Enfin, quand ils eurent fini et qu’ils s’éloignèrent, M. Garth commença :

— Un jeune homme n’a pas besoin d’être bachelier ès arts pour faire cet ouvrage-la, eh, Fred !

— Je voudrais m’y être mis avant de penser à devenir bachelier, répliqua Fred. Il s’arrêta un moment puis ajouta avec plus d’hésitation : — Croyez-vous que je sois trop vieux pour apprendre votre métier, monsieur Garth ?

— Mon métier se compose de bien des choses, mon garçon, dit M. Garth en souriant. Une bonne partie de ce que je sais, l’expérience seule peut le donner : on ne peut pas l’apprendre par cœur, comme on apprend ce qui est dans les livres. Mais vous êtes encore assez jeune pour vous en poser la base dans la tête. Caleb prononça cette dernière phrase avec énergie, mais il s’arrêta alors avec hésitation. Il avait cru, ces derniers temps, que Fred s’était décidé à entrer dans l’Église.

— Vous croyez donc que, si j’essayais, je pourrais faire là quelque chose de bon ?

— Cela dépend, répondit Caleb, penchant la tête de côté et baissant la voix, de l’air d’un homme qui a le sentiment de dire quelque chose de profondément religieux. Il faut être sûr de deux choses : d’abord il faut aimer votre travail et ne pas regarder toujours par-dessus les bords en aspirant au moment de la récréation. Et l’autre, c’est qu’il ne faut pas rougir de votre métier et penser qu’il serait plus honorable d’en avoir un autre. Il faut mettre son orgueil dans son tra-