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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/218

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compte ! dit Will se retournant vers lui d’un air presque féroce.

— Pas la moindre chose, en effet ! Elle était bien trop respectable, elle-même, pour estimer ses parents. Voilà tout ! — Ici Raffles clignota de nouveau lentement. — Dieu vous bénisse ! Je n’ignorais rien de leurs affaires. Ils étaient un peu dans ce qu’on pourrait appeler la voie respectable du vol — une boutique de grand style. Oh ! c’était de premier ordre ; un magasin ou tout s’engouffrait, gros profits et point de pertes. Mais, Seigneur ! Sarah n’en aurait rien su : c’était une brillante jeune fille sortant d’un pensionnat distingué, faite pour devenir la femme d’un lord. Seulement Archie Duncan lui a jeté cette injure au visage par dépit, parce qu’elle ne voulait rien avoir à faire avec lui. Et alors elle a planté là tout ce commerce. J’ai voyagé pour eux, monsieur, en gentleman, avec de beaux appointements ; ils ne se sont pas préoccupés de sa fuite, tout d’abord — c’étaient des gens dévots, monsieur, très dévots, et elle était décidée à monter sur les planches. Le fils vivait encore à cette époque et la fille était en baisse. — Holà ! nous voici au Taureau Bleu. Qu’en dites-vous, monsieur Ladislaw ? Si nous entrions boire un petit verre ?

— Non, je vous souhaite le bonsoir, dit Will enfilant un passage qui menait à Lowick-Gate, et courant presque pour s’éloigner de la portée de Raffles.

Il marcha longtemps sur la route de Lowick, en dehors de la ville, et se réjouit de voir venir l’obscurité étoilée. Il lui semblait qu’on venait, au milieu de huées de mépris, de lui jeter de la boue au visage. Une chose confirmait le récit de cet individu, c’est que sa mère n’avait jamais voulu lui dire pourquoi elle avait quitté sa famille.

Eh bien, à supposer sur sa famille la vérité la plus infamante, en quoi lui, Will Ladislaw, avait-il personnellement moins de droits à l’estime ? Sa mère avait bravé la misère