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LES ROUGON-MACQUART

Et, comme Marie ne répondait pas, il continua, en s’animant :

— Je ne veux pas aller à la campagne, moi… S’ils la touchent seulement, je les étrangle ; la nuit, c’est facile, pendant qu’ils dorment… Elle a le dedans de la main doux comme du papier à lettres. Mais, vous savez, l’autre est une sale fille…

Il recommençait, s’embrouillait, n’arrivait pas à exprimer ce qu’il était venu dire. Marie, enfin, le força à rentrer chez ses parents, sans qu’il eût même remarqué la présence d’Octave.

Alors, celui-ci, de peur d’être encore dérangé, voulut emmener la jeune femme dans sa chambre. Mais elle refusa, les joues brusquement envahies d’un flot de sang. Lui, ne comprenant pas cette pudeur, répétait qu’ils entendraient bien Jules remonter, qu’elle aurait le temps de se glisser chez elle ; et, comme il l’entraînait, elle se fâcha tout à fait, avec une indignation de femme violentée.

— Non, pas dans votre chambre, jamais ! C’est trop vilain… Restons chez moi.

Et elle courut se réfugier au fond de son logement. Octave était encore sur le palier, surpris de cette résistance inattendue, lorsqu’un bruit violent de querelle monta de la cour. Décidément, tout s’en mêlait, il aurait mieux fait d’aller dormir. Un tel vacarme était si inusité, à une pareille heure, qu’il finit par ouvrir une fenêtre, pour écouter. En bas, M. Gourd criait :

— Je vous dis que vous ne passerez pas !… Le propriétaire est prévenu. Il va descendre vous flanquer lui-même à la porte.

— De quoi ? à la porte ! répondit une grosse voix. Est-ce que je ne paie pas mon terme ?… Passe, Amélie, et si monsieur te touche, nous allons rire !

C’était l’ouvrier d’en haut, qui rentrait avec la