Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
LES ROUGON-MACQUART

au milieu du déjeuner, et son entrée brusque causa un effarement. Gasparine se trouvait à table, entre Octave et Angèle. On affecta d’être à l’aise ; mais il régnait un air de mystère. Lisa venait de refermer la porte du salon, sur un geste désespéré de madame ; tandis que la cousine repoussait du pied, sous les meubles, des bouts de papier qui traînaient. Lorsqu’il parla de se déshabiller, tous l’arrêtèrent.

— Attendez donc. Prenez une tasse de café, puisque vous avez déjeuné à Évreux.

Enfin, comme il remarquait la gêne de Rose, celle-ci alla se jeter à son cou.

— Mon ami, il ne faut pas me gronder… Si tu n’étais revenu que ce soir, tu aurais trouvé tout en ordre.

Tremblante, elle ouvrit les portes, le mena dans le salon et dans le cabinet. Un lit d’acajou, apporté le matin par un marchand de meubles, occupait la place de la table à dessiner, qu’on avait transportée au milieu de la pièce voisine ; mais rien n’était encore rangé, des cartons s’écroulaient parmi des vêtements à Gasparine, la Vierge au cœur saignant gisait contre le mur, calée par une cuvette neuve.

— C’était une surprise, murmura madame Campardon, le cœur gros, en se cachant la face dans le gilet de son mari.

Lui, très ému, regardait. Il ne disait rien, il évitait de rencontrer les yeux d’Octave. Alors, Gasparine demanda de sa voix sèche :

— Mon cousin, est-ce que ça vous contrarie ?… C’est Rose qui m’a persécutée. Mais si vous croyez que je suis de trop, je puis encore m’en aller.

— Oh ! ma cousine ! s’écria enfin l’architecte. Tout ce que Rose fait est bien fait.

Et, celle-ci ayant éclaté en gros sanglots sur sa poitrine :