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LES ROUGON-MACQUART

syllabes où les enfants au maillot mettent un monde de sensations.

— Ga… ga… ga… ga…

C’était au travail de sa vie, à sa grande étude de statistique, qu’il disait adieu. Brusquement, sa tête roula. Il était mort.

— Je m’en doutais, murmura le docteur, qui prit le soin de l’allonger et de lui fermer les yeux, en voyant l’effarement de la famille.

Était-ce possible ? Auguste avait emporté la table, tous restaient muets et glacés. Bientôt, les sanglots éclatèrent. Mon Dieu ! puisqu’il n’y avait plus rien à espérer, on arriverait quand même à se partager la fortune. Et Clotilde, après s’être empressée de renvoyer Gustave, pour lui éviter l’affreux spectacle, pleurait sans force, la tête appuyée contre l’épaule de Berthe, qui sanglotait, ainsi que Valérie. Devant la fenêtre, Théophile et Auguste se frottaient rudement les yeux. Mais Duveyrier surtout montrait un désespoir extraordinaire, étouffait de gros sanglots dans son mouchoir. Non, décidément, il ne pouvait vivre sans Clarisse : il aimait mieux mourir tout de suite, comme celui-là ; et le regret de sa maîtresse tombant au milieu de ce deuil, le secouait d’une amertume immense.

— Madame, vint annoncer Clémence, ce sont les sacrements…

Sur le seuil, parut l’abbé Mauduit. Derrière son épaule, on apercevait la tête curieuse d’un enfant de chœur. Il vit les sanglots, questionna d’un coup d’œil le médecin, qui ouvrit les bras, comme pour déclarer que ce n’était pas sa faute. Et l’abbé, après avoir balbutié des prières, s’en alla d’un air de gêne, en remportant le bon Dieu.

— C’est mauvais signe, disait Clémence aux autres