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POt-BOUILLE

couper les barils en quatre, qu’il s’était hâté de retirer sa proposition et de s’extasier sur la sécurité honnête du petit négoce.

Les jours coulaient, Octave faisait son trou dans la maison, comme un trou de duvet où il avait chaud. Le mari l’estimait, madame Josserand elle-même, à laquelle il évitait pourtant de témoigner trop de politesse, le regardait d’un air encourageant. Quant à Berthe, elle devenait avec lui d’une familiarité charmante. Mais son grand ami était Saturnin, dont il voyait s’accroître l’affection muette, le dévouement de chien fidèle, à mesure que lui-même désirait plus violemment la jeune femme. Pour tout autre, le fou montrait une jalousie sombre ; un homme ne pouvait approcher sa sœur, sans qu’il fût aussitôt inquiet, les lèvres retroussées, prêt à mordre. Et si, au contraire, Octave se penchait vers elle librement, la faisait rire du rire tendre et mouillé d’une amante heureuse, il riait d’aise lui-même, son visage reflétait un peu de leur joie sensuelle. Le pauvre être semblait goûter l’amour dans cette chair de femme, qu’il sentait sienne, sous la poussée de l’instinct ; et l’on eût dit qu’il éprouvait pour l’amant choisi la reconnaissance pâmée du bonheur. Dans tous les coins, il arrêtait celui-ci, jetait autour d’eux des regards méfiants, puis s’ils étaient seuls, lui parlait d’elle, répétait toujours les mêmes histoires, en phrases heurtées.

— Quand elle était petite, elle avait des petits membres gros comme ça ; et déjà grasse, et toute rose, et très gaie… Alors, elle gigottait par terre. Moi, ça m’amusait, je la regardais, je me mettais à genoux… Alors, pan ! pan ! pan ! elle me donnait des coups de pied dans l’estomac… Alors, ça me faisait plaisir, oh ! ça me faisait plaisir !

Octave sut ainsi l’enfance entière de Berthe, l’en-