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LES ROUGON-MACQUART

que j’en avais quarante, car il vaut mieux faire envie que pitié.

Il l’interrompit, il déclara d’une voix fatiguée, en homme qui désire la paix :

— Écoute, si ça te contrarie trop qu’il soit en lama, je t’en donnerai un en chantilly.

— Votre châle ! continua-t-elle tout à fait furieuse, mais je n’y pense même plus, à votre châle ! Ce qui m’exaspère, c’est le reste, entendez-vous !… Oh ! d’ailleurs, vous êtes comme mon mari. J’irais dans les rues sans bottines, que cela vous serait parfaitement égal. Quand on a une femme pourtant, le simple bon cœur vous fait une loi de la nourrir et de l’habiller. Mais jamais un homme ne comprendra ça. Tenez ! à vous deux, vous me laisseriez bientôt sortir en chemise, si j’y consentais !

Octave, excédé de cette scène de ménage, prit le parti de ne pas répondre, ayant remarqué que parfois Auguste se débarrassait d’elle ainsi. Il achevait de se déshabiller lentement, il laissait passer le flot ; et il songeait à la mauvaise chance de ses amours. Celle-là, cependant, il l’avait ardemment désirée, même au point de déranger tous ses calculs ; et, maintenant qu’elle se trouvait dans sa chambre, c’était pour le quereller, pour lui faire passer une nuit blanche, comme s’ils avaient eu déjà, derrière eux, six mois de mariage.

— Couchons-nous, veux-tu ? demanda-t-il enfin. Nous nous étions promis tant de bonheur ! C’est trop bête, de perdre le temps à nous dire des choses désagréables.

Et, plein de conciliation, sans désir mais poli, il voulut l’embrasser. Elle le repoussa, elle éclata en larmes. Alors, il désespéra d’en finir, il retira ses bottines rageusement, décidé à se mettre au lit, même sans elle.

— Allez, reprochez-moi aussi mes sorties, bégayait-