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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/232

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L’AMI FRITZ.

en foule ; c’était un roulement de pas sur le pavé, qui s’entendait au loin.

Tout le monde se penchait aux fenêtres et sortait des maisons pour voir. Les soldats remontaient la rue de la Forge, du côté de l’hôpital, et devaient passer devant la brasserie du Grand-Cerf.

Aussitôt les parties furent abandonnées ; on se dressa sur les bancs : Hâan, Schoultz, David, Kobus, les servantes, Krautheimer, enfin tous les assistants. D’autres accouraient de la salle, et l’on se disait à voix basse : « C’est un duel ! c’est un duel ! »

Cependant le brancard approchait lentement ; deux hommes le portaient : c’était une civière pour sortir le fumier des écuries de la caserne de cavalerie ; le soldat couché dessus, les jambes pendant entre les bras du brancard, la tête de côté sur sa veste roulée, était extrêmement pâle ; il avait les yeux fermés, les lèvres entr’ouvertes et le devant de la chemise plein de sang. Derrière venaient les témoins, un vieux hussard à sourcils jaunâtres et grosses moustaches rousses en paraphe sur ses joues brunes ; il portait le sabre dû blessé sous le bras, le baudrier jeté sur l’épaule, et semblait tout à fait calme. L’autre, plus jeune et tout blond, était comme abattu, il tenait le shako ; puis arrivaient deux sous-officiers, se re-