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L’AMI FRITZ.

— C’est très-vrai, monsieur Hâan, dit alors le professeur Speck, mieux vaut boire deux bouteilles de bon vin, qu’une seule chope de bière ; elles contiennent moins d’eau, et, par suite, disposent moins à la gravelle : l’eau dépose des graviers dans la vessie, chacun sait cela ; et, d’un autre côté, la graisse résulte également de l’eau. L’homme qui ne boit que du vin, a donc la chance de rester maigre très-longtemps, et la maigreur n’est pas aussi difficile à porter que l’obésité.

— Certainement, monsieur Speck, certainement, répondit Hâan, quand on veut engraisser le bétail, on lui fait boire de l’eau avec du son : si on lui faisait boire du vin il n’engraisserait jamais. Mais, outre cela, ce qu’il faut à l’homme, c’est du mouvement ; le mouvement entretient nos articulations en bon état, de sorte qu’on ne ressemble pas à ces charrettes qui crient chaque fois que les roues tournent ; chose fort désagréable. Nos anciens, doués d’une grande prévoyance, pour éviter cet inconvénient, avaient le jeu de quilles, les mâts de cocagne, les courses aux sacs, les parties de patins et de glissades, sans compter la danse, la chasse et la pêche ; maintenant, les jeux de cartes de toute sorte ont prévalu, voilà pourquoi l’espèce dégénère.

— Oui, c’est déplorable, s’écria Fritz en vidant