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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/189

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et de la prison. Les chef supérieurs de l’armée, civile ou militaire, ne peuvent parvenir au commandement par le choix ou l’ancienneté, de bas en haut, comme cela a lieu dans presque tous les pays d’Occident ; les grades sont tous conférés par le pouvoir suprême. Il y a une aristocratie dans l’armée comme dans la société, et des propriétaires de serfs militaires, comme des propriétaires de serfs civils. — Cette organisation est bien certainement favorable aux desseins de l’autocratisme, tant que la force commandée est aveugle ; mais elle tourne forcément contre lui dès que cette force devient éclairée. Car, cette organisation n’a pas ses racines dans les masses ; elle est faite contre elles. Et le jour où les masses le comprennent, il leur devient facile d’avoir raison de la hiérarchie peu nombreuse qui leur est superposée. Les quarante millions de serfs russes deviendront les plus terribles des révolutionnaires européens, quand l’un des anneaux de leur chaîne aura été brisé. Ils ne souffriront plus qu’on coupe leurs longues chevelures pour les faire soldats. Et ils savent au juste ce qu’il faut de bois pour rôtir un propriétaire boyard ! — Patience ! bourgeois de France ! ne criez pas avant qu’on vous écorche !

Cette armée se recrute selon le mode le plus tyrannique, parmi les paysans les plus malheureux, les condamnés, les criminels, les gens sans aveu, les compromis politiques, tous les individus enfin que leur position hors la loi rend avides de vengeance et de bouleversements. L’armée russe est une grande et brave compagnie de discipline. — Dans l’état actuel des choses, ces soldats, privés de tout appui, ne sauraient rien entreprendre pour conquérir leur indépendance : ils sont contraints de subir la loi de la force. Mais à l’aurore des sociétés nouvelles, qui changeront complètement les rapports entre les hommes,