Aller au contenu

Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



XXII.   Les glaives sont hors des fourreaux, les lances au poing. Fouetté par l’acier nu, le Temps, le vieux coureur, bondit et s’élance au galop. Les événements se pressent : les armées se tassent : du Nord au Midi les hommes se sont mesurés d’un œil sauvage. — Hurrah !

Je n’ai pas le temps de devenir savant. Pendant que je poursuivrais la Science, aux écarts gigantesques, le siècle aurait fait son grand œuvre et je n’aurais rien prévu. Je ne puis tout dire à la fois. Si la vie m’est prêtée, chacune de mes paroles viendra en son temps. Si grand est le nombre des questions redoutables posées devant les sociétés, que les jours d’un homme ne suffiraient pas à les énumérer. Entre deux révolutions à peine pouvons-nous reprendre haleine. Je ne saurais me fermer les narines et les yeux : je sens, je vois le sang. Le Démon me tord les entrailles et fait vibrer ma langue contre mes dents. — Hurrah !

« Une irrésistible puissance me force à dire vite et confusément ce qui doit se passer confusément et vite. J’écris sur les ruines d’un monde ; comment ne serais-je pas agité ? J’annonce l’universelle anarchie : quel ordre pourrais-je observer ?[1] » — Hurrah ! En marche, armées ! Courez sur les veines de fer, les veines de fer de la vieille Europe. Hurlez, chargez, défiez-vous, machines contre machines, esclaves contre esclaves ! Hélas ! hélas ! que de familles en deuil ! Que d’hommes mutilés ! Que de larmes ! Que de dents qui grincent ! Que de veuves ! Que d’enfants perdus et semés partout ! — Hurrah !

En partance, navires ! suivez les grandes routes, les grandes routes de la mer. L’immense Océan vous traînera sur ses vagues à tous les coins du monde. Hélas ! hélas ! que de villes en cendres ! Que de richesses abandonnées sur tous les rivages. — Hurrah !

  1. Jours d’exil, par Ernest Cœurderoy.