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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/9

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ainsi, ombre vague de lumière et de brumes, la pâle vision mystique et éthérée brille ou est cachée par d’épaisses ténèbres, comme une douce espérance, comme une vaine illusion.

La rue sombre, la nuit déjà avancée, la lampe triste sur le point d’expirer, qui tantôt éclaire l’image sacrée, tantôt, faiblissant, accroît l’obscurité ;

le vague fantôme qui apparaît, puis se rapproche d’un pas rapide, puis disparaît dans l’ombre comme l’âme en peine de l’homme qui n’est plus,

cela remplirait de crainte et de peur le cœur d’acier le plus téméraire ; l’épouvante amènerait la prière sur les lèvres blasphématrices du plus féroce bandit.

Mais la vision fantastique ne terrifia pas l’homme au manteau, dont l’épée ruisselle encore de sang ; et, la main crispée sur la poignée, il s’avança résolument à sa rencontre.

Nouveau don Juan Tenorio,
âme fière et insolente,
plein d’irréligion et de vaillance,
altier et querelleur ;
toujours l’insulte aux yeux,
l’ironie sur les lèvres,
il ne craint rien et s’en remet pour toutes choses
à son épée et à sa valeur.

Cœur corrompu, il se joue
de la femme qu’il courtise ;
il méprise et délaisse aujourd’hui
celle qui se donna hier à lui.
Jamais il ne craignit l’avenir ;
dans le passé il ne se souvient
ni de la femme qu’il abandonna
ni de l’argent qu’il perdit.