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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/165

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— J’ai gagné bien des fois !

— Et j’ai trouvé peu de femmes cruelles, ajouta Albert, qui dut caresser dans l’ombre sa moustache noire ou blonde, s’il portait des moustaches.

— Mais, grâce au jeu, peut-être, mon frère Goëtz, reprit celui qu’on appelait Otto, et vous, Albert, grâce aux femmes, sans doute, vous avez négligé durant ces derniers jours votre devoir le plus cher !… Et qui sait, à l’heure où nous sommes, quels périls sont suspendus sur la tête de l’enfant !…

Les deux ombres, qui avaient noms Albert et Goëtz, poussèrent à l’unisson un gros soupir.

— C’est une chose étrange ! dit Goëtz d’un air contrit, dans tous les pays du monde, je suis joueur… Mais dès que je sens l’air de Paris, je deviens fou !

— J’en offre autant, reprit Albert ; dès que j’entre dans Paris, je sens le diable qui me prend par les oreilles… Toutes les femmes me paraissent adorables !… Grisettes, bourgeoises, grandes dames, tout m’est bon, je ne choisis pas !…

— Ce n’est pas comme ailleurs, poursuivit Goëtz ; les croupiers de Paris, sont des gentilshommes !… Et tenez, j’avais découvert une maison de jeu, dans le quartier du Palais-Royal, où j’aurais perdu ma chemise avec plaisir.

— Moi, j’avais mis la main sur une petite comtesse !…

— Le banquier m’avait plu dès le premier abord… un homme parfaitement distingué.

— Une créature délicieuse !… J’en avais fait, à peu de chose près, ma maîtresse… mais vous sentez que je ne peux pas vous dire son nom…

— Parbleu ! s’écria Goëtz, ça nous est bien égal… La première fois que j’entrai chez cette baronne, car c’est une baronne, une vraie baronne qui tient l’établissement…

— La baronne de Saint-Roch… prononça Otto dans son coin.

— Tiens ! tiens ! fit Goëtz étonné, vous connaissez cela ?… Mais, au fait, qui ne connaissez-vous pas ?… Donc, la première fois que j’y en-