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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/199

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excellente aubaine, une si bonne aubaine que les bourgeois d’Esselbach s’ingéniaient depuis huit jours à inventer une source d’eau minérale ou ferrugineuse qui put ramener chaque année les bourses aimables de ces visiteurs.

Ceci n’était point une idée impraticable. Quiconque possède un puits bourbeux peut affirmer que ce puits, souverain pour les rhumatismes, guérit radicalement les maux d’estomac.

Une table de roulette, un salon de conversation et des annonces dans les journaux de France, voilà ce dont on ne peut se passer.

Tant il est vrai que la fameuse recette de la cuisinière bourgeoise : « pour faire un civet, prenez un lièvre, » n’est pas si naïve qu’on veut bien le dire.

Toutes ces bonnes gens, cheminant sur la route de Bluthaupt, causaient. Dans les voitures, sur les chevaux et parmi les piétons, le sujet d’entretien était le même.

On n’entendait qu’un nom : Geldberg ! on ne causait que d’une chose : le grand feu d’artifice qui devait être tiré, ce soir même, sous les murailles du château.

Ce ne pouvait être rien d’ordinaire. Jusqu’ici la maison s’était exécutée royalement, et l’on avait lieu d’espérer un magnifique spectacle.

Nos trois cavaliers, partis d’Obernburg à la brune, galopaient intrépidement. La route était large aux environs de la ville ; ils passaient sans crier gare, le galop rapide de leurs chevaux s’étouffait sur l’herbe du chemin.

Au bruit prochain de leur course, on se retournait, quelque chose glissait comme un trait dans les ténèbres ; puis, rien.

La nuit était sans lune, comme celle de la veille ; ceux qui avaient de très-bons yeux distinguaient bien trois cavaliers lancés à pleine course, mais nul ne pouvait voir la couleur de leurs manteaux, dont les plis sombres flottaient au vent.

À une lieue de la ville, les trois cavaliers s’étaient arrêtés brusquement devant un groupe de villageois à pied, et l’un d’eux avait demandé :

— À quelle heure se tire le feu d’artifice !