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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/822

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j’ai lieu de l’espérer… Passé neuf heures, chacun sera à son poste… et vous seul, monsieur le chevalier, ajouta le vieux veneur en s’inclinant, vous aurez le droit de circuler dans la maison, d’entrer, de sortir et de faire tout ce que vous jugerez convenable pour le service du roi notre maître… Mes ordres sont donnés.

— Le service du roi, monsieur de Presmes, répliqua Kérizat d’une voix grave et digne, — exige en ce moment que, toutes affaires cessantes, je mette mon épée à votre disposition, comme le dernier de vos hommes… prêter une aide loyale à un aussi fidèle sujet que vous l’êtes, c’est servir le roi comme il faut, et bien employer son temps.

— Vous me comblez, chevalier ! murmura M. de Presmes.

— Et ces dames, reprit Kérizat, — font sans doute leurs préparatifs de départ ?

— Il n’y a qu’une de mes filles au château, reprit le vieux veneur.

— Laquelle ?…

— La comtesse Anne… commença M. de Presmes.

Kérizat ne put retenir un geste de violent dépit.

Le vieillard n’y prit point garde et continua :

— La comtesse Anne nous a précédés à Rennes, et ma fille Lucienne, un peu souffrante, garde la chambre depuis ce matin.

Le chevalier respira ; — son affaire, à lui, c’était Lucienne, puisqu’il avait perdu la comtesse aux dés.

— Allons, monsieur mon ami ! s’écria-t-il, — en définitive, je ne vois point le sujet de s’attrister immodérément… C’est quelques jours de moins à passer à votre manoir, et quelques jours de plus à donner au beau monde de Rennes… Voilà tout !… Je porte respectueusement la santé de vos charmantes filles et je me fais une fête de les retrouver à Rennes, ainsi que vous, monsieur mon ami, aux assemblées que les gens de Sa Majesté voudront donner sans doute en mon honneur.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans le taillis au delà de la Vanvre, une trentaine d’hommes étaient couchés sur le gazon et fumaient leur pipe en causant.

Ils se trouvaient à cinquante pas, tout au plus, du pont de planches.

C’étaient les Loups du cabaret de la Mère-Noire qui attendaient, fidèles au rendez-vous donné par Francin Renard.

Vers neuf heures et demie, ils furent rejoints par les Carhoat et Francin, armés jusqu’aux dents.

— Debout, mes enfants ! dit le vieux marquis ; — nous allons faire de bonne besogne cette nuit, et si je suis content de vous, au lieu d’un écu vous en aurez deux !

Les truands se levèrent tous ensemble, et prirent leurs fusils qu’ils avaient cachés dans le taillis.

La troupe se mit en marche silencieusement, et passa le pont de planches pour gagner l’avenue de Presmes.