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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/152

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III

la croix du carrefour


Par une fraîche matinée du mois de septembre, le Médecin bleu et sa fille se mirent en route, à pied, pour faire une promenade dans la forêt de Rieux.

Le citoyen Saulnier, toutes les fois qu’une préoccupation politique n’exaltait point son esprit, était un excellent homme, un peu froid, mais franc, honnête et capable de donner à sa fille une éducation irréprochable. Sainte s’appuyait sur son bras. Ils allaient lentement, savourant le charme d’un intime entretien.

Insensiblement, la conversation, après avoir effleuré divers sujets, était tombée sur l’abbé Kernas. Le docteur, entraîné par ses souvenirs, parlait avec chaleur des services nombreux et désintéressés que le bon prêtre lui avait rendus autrefois. Sainte l’écoutait et se réjouissait : la pauvre enfant croyait que cet hommage payé à un homme proscrit par la république était une preuve que les opinions de son père devenaient moins extrêmes, moins passionnées. Malheureusement la pente était glissante, et l’ancien curé de Saint-Yon ramena tout naturellement le docteur à ses déclamations favorites.

— Il était bon, dit-il, il était vertueux, et sa présence était une bénédiction pour le pays. Je l’aimais comme un frère, Mais doit-on regretter un juste quand le coup qui l’a frappé a jeté à terre, en même temps, des milliers de scélérats et de tyrans ?