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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/112

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mère, qui resta entr’ouverte et affaissée sur la couverture. Elle prit la broderie, où chaque fleur, hélas ! tremblait comme les doigts de la pauvre ouvrière, et la mit hors de portée, car Mme Leber se relevait souvent la nuit pour reprendre son travail, puis, déposant un baiser sur le front de la dormeuse, un baiser plus léger qu’un souffle, elle emporta la lampe dans la chambre voisine.

C’était sa chambre à elle, meublée d’un petit lit bien blanc, dont les simples rideaux avaient des plis tout gracieux, d’une bibliothèque mignonne où la musique des maîtres vivait près du génie des poètes, de deux bergères, dont une, poussée non loin du piano, semblait attendre un hôte absent, et enfin d’un beau piano, austère de formes et portant le nom d’Erard.

Ils étaient comme fiancés, Michel et notre Edmée. Michel venait là autrefois, même quand Mme Leber dormait. Cette chambre avait écouté le duo splendide des jeunes et chastes amours.

Le piano se taisait alors et le rêve parlait, chantant le poëme délicieux de l’avenir.

Cette bergère vide qui attendait marquait la place où Michel s’asseyait autrefois.

Edmée posa la lampe sur le piano et vint à la fenêtre, croisant ses mains distraites sur l’espagnolette. Sa figure était tout contre les carreaux, où son haleine fit revivre les lettres de son nom, écrit par le doigt de Michel, un jour où lui aussi attendait peut-être…

Les larmes lui vinrent aux yeux.

Il faisait nuit toujours chez Michel.

De la chambre où demeuraient Étienne et Maurice des voix tombaient. Là se continuait l’éternelle dispute dramatique.

Edmée vint se mettre à genoux devant son lit, au