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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/113

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fond duquel était une image de la Vierge. Elle pria, mais seulement des lèvres, car les événements de cette soirée entamaient sa foi, la dernière ressource des cœurs blessés. Tout ce bonheur qui entourait la baronne Schwartz donnait pour elle un démenti à la Providence.

Sa prière, lettre morte, ne montait point vers Dieu, car ce fut en priant qu’elle eut une mauvaise pensée.

Elle se dit :

« Si je perdais ma mère, qui m’empêcherait de me tuer ? »

Et cela mit un baume de glace sur sa peine.

C’était une chère enfant, pourtant, je vous le dis, toute faite de douce vaillance et d’amour dévoué. Mais son entrevue avec la baronne Schwartz lui empoisonnait le cœur.

Cette femme était heureuse ! cette femme avait les baisers de sa fille, un ange ! Cette femme avait l’affection de son mari, un honnête homme, un homme fort qui la baignait de la tête aux pieds dans toutes les joies de l’opulence. Cette femme avait les respects du monde, elle qui volait à une enfant déshéritée son suprême prétexte d’espérer et de vivre, elle qui enfreignait pour cela les lois divines et humaines, elle, la comédienne hypocrite et adultère !

Edmée se leva, laissant sa prière inachevée ; elle ne savait plus qu’elle avait voulu prier. Elle s’assit auprès du piano, en face de la bergère vide et se mit à pleurer silencieusement.

Il était là, autrefois, il lui prenait les deux mains, et il bâtissait en l’air des projets qui toujours commençaient ainsi :

« Quand tu seras ma femme… »

Edmée se sentait affaiblie jusqu’à l’angoisse. Elle