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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/120

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On l’entendit ronfler aussitôt après.

« Sa pauvre tête devient bien faible, » dit Edmée à voix basse.

Il y avait entre Mme Leber et Michel un indissoluble lien ; c’était le souvenir de la flambée dans la mansarde. La vieille dame le voyait toujours enfant et ne pouvait prononcer son nom sans sourire.

« Il y en a tant qui n’ont pas de cœur ! » avait-elle coutume de dire.

Celui-là avait du cœur ; celui-là était un cœur !

« Quand nous allons être mariés, chérie, reprit Michel, ému sous sa gaieté, nous pourrons donner des à-compte. J’ai bien pensé à maman Leber tous ces temps-ci…

— Cela m’a fait peur, l’interrompit Edmée, quand tu as dit tout à l’heure : je suis riche.

— C’est effrayant, répliqua notre héros, tout ce que j’ai à te raconter. Ce sont de grands secrets, figure-toi ; mais est-ce que je peux te cacher quelque chose ! »

Il se leva et poussa la porte qui communiquait avec la chambre de la vieille dame.

« Que faites-vous ? » demanda Edmée.

Michel répondit d’un ton moitié railleur, moitié solennel :

« Il va être question d’affaires de vie et de mort ?

— D’abord, reprit-il en poussant la fameuse bergère auprès de sa compagne étonnée, ce Bruneau est un scélérat, et il faut lui rendre l’argent qu’il vous a prêté.

— Comment savez-vous ?… balbutia Edmée.

— J’ai la somme, dit Michel au lieu de répondre et en frappant sur son gousset en homme qui triomphe de le sentir plein par hasard.

« Ce que c’est que de nous, ajouta-t-il d’un accent piteux. J’ai des gestes, des mots et des joies de petit