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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/211

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« Nous avons à causer tous trois, poursuivit M. Lecoq en poussant un fauteuil vers le baron, à causer de choses si étonnantes que si vous restiez debout, vous pourriez bien tomber de votre haut. Donnez-vous la vous asseoir

— Vous le prenez sur un ton !… » balbutia le baron, abandonnant du coup les ellipses de son langage usuel.

Il s’assit pourtant, détournant son regard de la baronne, qui semblait une morte.

« Aimeriez-vous mieux un doreur de pilules ? reprit M. Lecoq, cachant sous un verbeux aplomb les tâtonnements de son escrime. On ne se refait pas, écoutez donc ! à mon âge, surtout ! Nous n’avons plus vingt ans, Jean-Baptiste. Je suis tout rond, je vais droit au but ; j’aime mieux froisser que tromper. Voici donc la chose : Monsieur le baron et madame la baronne, malgré les millions que vous avez, je ne voudrais pas être dans votre peau.

— Expliquez-vous brièvement ! dit M. Schwartz, qui essaya de reprendre un accent d’autorité.

— Je m’expliquerai comme je voudrai, mon garçon, hé ? Vous n’êtes pas venu ici chacun de votre côté pour des prunes, je suppose ? Un jésuite vous dirait des tas de balivernes ; moi, je n’ai pas le temps : votre femme vous a trompé, bonhomme ! »

Julie ne bougea pas. M. Schwartz serra les poings et gronda :

« Je m’en doutais ! »

Son visage décomposé criait plus de douleur encore que de colère, et il eût été impossible au plus déterminé railleur de prendre la situation au comique.

Ce qu’il y avait sur les traits de Trois-Pattes aux aguets c’était surtout maintenant une curiosité avide.