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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/224

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Ce dernier mot fut prononcé avec solennité.

La tête de M. Schwartz pendait sur sa poitrine.

« Aimez-vous votre femme ? » demanda Lecoq brusquement.

Le malheur attendrit extraordinairement ces cœurs d’affaires. M. Schwartz tourna vers la baronne un regard suppliant et timide. Ses deux mains se joignirent et il répondit :

« Je l’aime de toutes les forces de mon âme ! »

C’était vrai, absolument vrai.

« Si votre mari était contraint à s’expatrier, reprit M. Lecoq en s’adressant à Julie, j’entends le mari que voilà, le suivriez-vous ?

— Oui, » répliqua la baronne d’un ton ferme.

Ce mot releva la tête de Trois-Pattes qui sembla sortir d’un sommeil. La pression de ses mains avait écarté à droite et à gauche les masses emmêlées de sa chevelure. Soit réalité, soit capricieux jeu de lumière, car la lampe l’éclairait à revers, son visage paraissait doué, en cet instant, d’une mâle et régulière beauté.

Il avait les yeux fixés sur Julie qui lui faisait face et dont la main, justement, rejetait son voile en arrière. Ses paupières eurent un battement comme si un éclat trop vif les eût soudain frappées.

Elle était belle incomparablement. Son front d’Italienne, pur et noble comme un marbre, avait une auréole de grave tristesse.

« Ce n’est plus pour moi que vous viendrez, Giovanna ! dit M. Schwartz d’un accent plaintif. C’est pour votre fille ! »

Elle ne répondit point, mais un splendide sourire, traduisant l’amère souffrance de son cœur, s’ébaucha sur ses lèvres.