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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/262

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n’ont jamais demandé mieux. Seulement, il faut s’entendre sur le sens du mot travailler.

Et encore soyez sûrs que, s’il avait à choisir, Échalot aimerait mieux faire l’escompte que tuer la femme.

Échalot était la mère ; il aimait d’une tendresse égale Similor et Saladin. Il supportait sans se plaindre la vicieuse inutilité de « l’artiste ; » il était fier de son esprit, de ses grâces, de sa beauté ; il se tenait, comme doit faire toute épouse modèle, dans un état d’infériorité relative ; il avait en outre toutes les modesties de son sexe d’adoption, mais aussi toutes les jalousies, et quand Similor ne se comportait pas bien avec l’enfant, il devenait lionne, ce mouton.

Similor mit son chapeau gris de travers sur ses cheveux plats et dit :

« Je vas faire un tour aux queues, car il faut toujours que je me démanche, moi, pendant que tu te dorlotes avec le petit.

— C’est vrai, que je la passe douce ! » murmura Échalot avec une petite pointe d’amertume.

L’ancien maître de danse haussa les épaules et se dirigea vers la porte en mordillant un bout de cigare qu’il ne pouvait plus allumer.

« Amédée, dit Échalot, si tu trouves quelque chose aux queues, rapporte un sou de lait, au nom de tout ce qu’il y a de sacré, bonhomme ! Saladin a besoin. Et viens l’embrasser avant de partir, car le baiser d’un père est un baume pour son enfant ! »

Similor s’approcha de mauvaise grâce et mit ses lèvres barbues sur le front terreux de l’enfant qui hurla, piqué par les rudes poils de cette brosse.

« Vilain oiseau ! » grommela-t-il.

Les larmes vinrent aux yeux d’Échalot, qui prit Saladin dans ses bras et le berça.