Aller au contenu

Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saladin le payait par une grimace bizarre qui était son sourire. Échalot le contemplait ; il trouvait dans ces traits ébauchés à la cuillère de chères et vagues ressemblances avec les profils mâles d’Ida Corbeau, la Vénus invalide.

Pourquoi les champs, toujours les champs ? Pensez-vous que le paysage parisien soit sans attrait ni poésie ? Le farniente est doux aussi sur le trottoir ; la brise s’imprègne aux devantures des rôtisseurs comme dans les parterres de roses ; on cueille en passant des sourires qui valent bien les fleurs et il faudrait des milliers d’oiseaux savants pour remplacer les trémolos de Guillaume Tell, exécutés par les orgues de Barbarie.

Au fond des campagnes solitaires, trouverez-vous ces bardes enrhumés qui détonnent la chanson populaire, ces filles hardiment tannées, qui sautent sur la corde, ces hommes puissants qui lancent des pavés en l’air à la force de la mâchoire, et ce bâtonniste surtout, ce bien-aimé bâtonniste, rattrapant une pile de gros sous dans la poche béante de son gilet ?

Échalot et Similor étaient des enfants de Paris, ils sentaient profondément ces beautés de leur illustre berceau, suivant la différence de leurs natures : Similor préférait le bâtonniste, Échalot était attiré par la vielle organisée ; Similor aimait les bruyants carrefours, Échalot se plaisait à voir les pêcheurs à la ligne. Que de spectacles divers ! Autant de goûts, autant de satisfactions ! Car il y a encore les bêtes du jardin des Plantes, Guignol, les joueurs de boules, les écluses, la Morgue et le canon du Palais-Royal !

Jusqu’au soir, ils se promenèrent lentement en zigzag, traînant leurs semelles dans la poudre et souhaitant tout ce qu’ils voyaient comme des enfants. Ils