Aller au contenu

Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Puis il ajouta :

« On peut bien prendre quarante-huit heures de l’existence d’un homme pour lui sauvegarder toute une vie heureuse.

— J’ai confiance en vous, murmura Edmée avec une sorte de craintif respect, confiance absolue. Je vous dois la vérité : Michel ne vous aime pas. »

M. Bruneau se mit à sourire, ce qui rarement lui arrivait.

« Je crois bien ! répondit-il ; chaque fois qu’il veut se rompre le cou, je le gêne ! »

Il reprit le ton sérieux, et demanda :

« Votre bonne mère dort-elle ? »

Sur la réponse affirmative d’Edmée, il remonta la lampe, et pénétra dans la chambre à coucher de la vieille dame. Edmée le suivit et le vit avec étonnement qui enlevait le voile de gaze couvrant le brassard ciselé, En même temps, son regard s’étant tourné vers la fenêtre, elle remarqua que toutes les lumières de la maison étaient éteintes.

« Il est donc bien tard ? » murmura-t-elle.

La pendule d’un voisin sonna trois heures.

« Je ne choisis pas mes moments, dit M. Bruneau avec sa tranquillité froide. D’ailleurs, il faut que la bonne dame retrouve ceci à son réveil. Demain, on lui en offrira une belle somme.

— Qu’en voulez-vous faire ? demanda Edmée, voyant qu’il plaçait le brassard sous sa houppelande.

— Vous allez le voir, ma fille, car vous m’accompagnerez, répliqua M. Bruneau. Il manque quelque chose à ce joujou-là, qui vous doit un peu de bien pour tant de mal qu’il vous a fait. Nous nous rendons ici près, à la forge d’un vieil ami à moi ; dans une heure, vous rapporterez le brassard. Venez. »