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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/288

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Edmée se coiffa aussitôt et jeta son mantelet sur ses épaules.

La forge, voisine de l’estaminet de l’Épi-Scié, était tout allumée, et un ouvrier attendait.

On sait comment étaient fabriqués ces gantelets pleins que nous nommons des brassards. La carapace des crustacés dut en fournir la première idée. M. Bruneau, dont Edmée ne soupçonnait pas l’habileté, démonta la pièce en un tour de main et l’ouvrit comme on dépèce un homard. Le forgeron avait préparé trois séries ou franges, formées de tiges aiguisées. M. Bruneau les riva à l’intérieur en tournant leurs pointes libres, inclinées légèrement, par rapport au plan des anneaux, vers la poignée du gantelet.

Puis il remonta la pièce aussi lestement qu’il l’avait désarticulée.

Ce fut tout. Nous savons comme Edmée et lui se séparèrent.

Edmée allait d’un pas pénible et las, suivant le trottoir méridional du boulevard. Elle n’éprouvait point de frayeur dans cette solitude. L’accès de fièvre était venu. Elle se sentait la tête vide et cherchait a saisir de vagues pensées qui semblaient se jouer d’elle.

À la hauteur du Café turc, un homme la croisa. C’est à peine si elle fit attention à lui.

Il n’en fut pas de même de l’homme par rapport à elle. Aussitôt qu’il l’eut dépassée, il fit un geste de vif étonnement et s’arrêta court, la regardant s’éloigner.

Cet homme semblait entre deux âges. Il était vêtu d’un vaste paletot dont le collet se relevait jusqu’à ses oreilles. Il avait de larges favoris noirs et des lunettes bleues.

Prenant une brusque détermination, et sans mot dire, il revint sur ses pas, affectant l’allure chancelante