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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/294

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La vue de cette autre morte porta au comble le désarroi de sa pensée. Il eut peur. Malgré son innocence dans l’occasion présente, peut-être n’avait-il pas une conscience bien nette ; au premier bruit de pas, il prit la fuite.

Il faut renoncer à peindre la confusion qui emplit la cervelle du malheureux Échalot à la vue de cette scène de carnage. Tuer la femme lui avait semblé longtemps la chose du monde la plus simple et la plus naturelle. L’aspect de ces deux cadavres, car il prenait aussi Edmée Leber pour une morte, dissipa instantanément les fumées du punch et remplaça son ivresse par une sorte d’atonie. De grosses larmes lui vinrent aux yeux ; il tomba sur ses deux genoux et joignit les mains en répétant :

« On a tué la femme ! on a tué deux femmes ! »

Similor pressa le pas. Il croyait à une plaisanterie.

« Tiens ! dit-il en arrivant ! la petite marchande de musique ! »

Puis, apercevant la comtesse :

« Cré coquin ! la belle robe ! »

Échalot avait dégagé Saladin et le pressait convulsivement contre son cœur.

« C’était une riche, murmura-t-il. Ah ! elle est dans son pauvre sang… Ça a peut-être un petit enfant à la maison ! »

Il sanglotait.

Similor s’efforçait de faire le crâne, mais il avait la poitrine serrée.

« Faut être bien méchant tout de même ! murmura-t-il, sans savoir qu’il parlait.

— Les sans-cœur ! gémit Échalot. Regarde donc ces belles petites mains-là. Est-ce doux, ces cheveux ! »