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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/347

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connaître au milieu d’un groupe le voyageur éloquent qui l’avait tant intéressée en comparant Paris à une forêt. Ce fut l’affaire d’un instant. Mme Blot s’était trompée, comme bien vous pensez.

Mais, parmi tous ces riens qui faisaient vivoter les conversations, un vague mouvement de curiosité se glissait, augmentant à chaque minute, sans que personne pût dire où il prenait naissance. Les noms du colonel Bozzo et de la comtesse Corona revenaient à chaque instant ; on racontait avec mille détails la mort de celle-ci, et le nom de son meurtrier circulait, acquérant ainsi une célébrité funeste. Au bout de la première heure, nul n’ignorait plus ce nom de Bruneau, le marchand d’habits de la rue Sainte-Élisabeth. La comtesse Corona, nous l’avons dit, touchait de très près aux deux grands mondes qui divisaient alors la haute vie parisienne. Sa mort donnait tout à coup une effrayante réalité à cette légende des Habits-Noirs, jusque-là entourée d’un nuage. Elle appuyait surtout d’une façon inopinée et frappante cette opinion dès longtemps répandue parmi les crédules, que la mystérieuse association, enfonçant ses racines jusqu’aux plus bas niveaux de nos misères sociales, atteignait, par ses hautes branches, au sommet où la noble richesse semble à l’abri de tout soupçon. Qui eût pensé jamais que le colonel Bozzo-Corona ?…

Il y avait une énigme. La comtesse, dont l’existence, avait toujours présenté des côtés romanesques et obscurs, était-elle affiliée à l’association ?

Le drame dont elle était la victime avait une physionomie de châtiment ou de vengeance.

Son mari… autre mystère.

Et, certes, la pente que prenait la préoccupation générale n’aurait point d’elle-même porté l’attention vers