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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/365

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éclat de joie… Si c’était vous !… Mais non… vous auriez pitié ! »

Elle se pencha comme si une force irrésistible l’eût attirée. Il rouvrit ses yeux tout grands : deux prunelles glacées, puis sa paupière retomba bientôt, pendant qu’il disait :

« Le temps passe !

— Dites-lui cela, murmura-t-elle avec une tendresse que nulle parole ne saurait rendre ; je ramperais comme vous… comme lui, pour que mes lèvres fussent auprès de ses baisers… je mendierais, s’il est mendiant… dites-lui cela… et qu’il ne croie pas que j’ai oublié ma fille et mon fils… ma fille est à moi : elle viendrait avec nous… mon fils est à lui… dites-lui cela… dites-lui que vous avez vu une misérable femme… sa femme ! qui l’aime, comme il aimait ! Et davantage ! une femme qui est à lui, malgré lui-même, une femme qui mourrait heureuse pour acheter un mot de pardon… »

Elle reprit haleine par ses narines gonflées, et, traduisant d’avance l’énergie de ses paroles par un geste sublime, elle acheva :

« Une femme qui ouvrirait sa poitrine pour lui donner son cœur ! »

L’estropié gardait ses paupières obstinément baissées, mais la force humaine a des bornes. De larges gouttes de sueur commencèrent à couler de son front. Les muscles de sa face éprouvaient des frémissements, et sous la ligne de plomb qui encerclait ses yeux, il y avait des marques tour à tour ardentes et livides.

Julie se prosterna. Ce fut en se traînant sur ses genoux qu’elle alla vers lui.

Un grand soupir souleva la poitrine de l’estropié qui la sentait venir.