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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/387

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Le pied de M. Lecoq, qui tâtonnait comme une antenne dans l’obscurité, rencontra en ce moment le flanc de Trois-Pattes.

La gymnastique des yeux, qui s’habituent à l’ombre, ne pouvait rien contre cette nuit complète. M. Lecoq reprit d’un ton bonhomme et caressant :

« Tu es mon ami, et tu sais bien que j’ai toujours eu l’intention de faire ta fortune… Lève-toi.

— Ma fortune ! répéta Mathieu. Hum ! hum ! patron ; avec vous, mieux vaut tenir que courir… On dit ça. »

Une sorte de gémissement annonça l’effort qu’il faisait pour se redresser.

« Passe de l’autre côté, fit Lecoq. Il me reste un bras pour t’aider. »

Trois-Pattes, accroché à ses vêtements, se halait comme un nageur qui, le corps dans l’eau, veut gravir une berge escarpée. Il semblait y aller de bon cœur.

M. Lecoq, dès qu’il put le saisir par le drap de sa redingote, l’enleva d’une puissante impulsion.

« Vous êtes fièrement fort, patron ! dit l’estropié avec admiration.

— Tu n’as pas ta veste de velours… murmura Lecoq d’un ton soupçonneux.

— Pour aller en société… commença Trois-Pattes bonnement.

— Tu as pu t’introduire à l’hôtel ?

— Vous savez, on passe un peu partout… »

Il souffla bruyamment et acheva comme étouffé par un spasme de brutale exaltation.

« Ah ! ah !… ah ! dame !… Le cœur n’est pas paralysé, patron. Ça se déshabille bien, vos dames honnêtes. Celles qui ne sont pas honnêtes ne m’ont jamais montré tant de peau blanche et rose !

— Farceur ! dit M. Lecoq. Vas-tu t’en donner quand