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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/405

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L’ancien commissaire de police obéit comme avait fait le conseiller. On eût dit qu’André Maynotte était ici pour donner des ordres.

Il se tenait droit, et, sans le savoir, il gardait en effet l’attitude du commandement : ses yeux brillaient d’un éclat tranquille ; sa joue était pâle ; ses narines de lion se gonflaient au souffle d’un mystérieux orgueil.

Ce n’était pas André Maynotte d’autrefois. Dix-sept années de souffrance avaient ennobli la populaire et mâle beauté de ce front. Il y avait là un complet épanouissement de virile puissance, et il y avait aussi la douce empreinte du sacrifice.

C’était encore moins, comme on peut le penser, le masque pétrifié de Trois-Pattes ; encore moins, s’il est possible, la paisible et matérielle expression du marchand d’habits normand, M. Bruneau.

C’était tout cela, pourtant, mais tout cela relevé, éclairé, si l’on peut ainsi dire, et dépouillé du déguisement moral que cette implacable volonté avait subi pendant si longtemps.

Il y avait autant de différence entre ce visage jeune, hautain, rayonnant, sous son étrange couronne de cheveux blancs, et l’humble physionomie du marchand d’habits, qu’entre ce corps droit, sculpté richement comme un chef-d’œuvre antique, et la misérable carcasse du reptile humain, le commissionnaire paralytique de la cour des Messageries.

Il avait fallu, on le voyait bien maintenant, une incomparable force d’âme pour soutenir pendant des années la torture de ce double mensonge.

Il semblait, en effet, plus fort qu’un homme, et son calme égalait sa force. Aussitôt que la porte fut close, il dit :

« Je n’ai pas le désir de me venger, mais la volonté