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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/90

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sautoir, s’ils ont le bonheur d’habiter le Hartz ou la Forêt-Noire, les gens à rapière et à manchettes, les gens de sac, les gens de corde, les brigands ! les bien-aimés brigands ! Ce ne sont pas des êtres chimériques ; le caprice est fait ici de chair et d’os. Combien d’Anglaises ont perdu la tête pour l’amour de ces hardis vainqueurs ! Combien d’Espagnoles ! Combien de Calabraises ! Ils ont le don de fondre la glace même qui fige le sang des Allemandes ; les Russes, ces Françaises du Nord, cabriolent pour eux comme un chien savant saute pour Garibaldi. Sous quel prétexte les Parisiennes resteraient-elles en arrière ?

— Elles ne restent pas en arrière. Elles déplorent, il est vrai, le prosaïsme du temps qui a supprimé le pourpoint crevé de velours et la plume rouge sur la toque, ornée de jais ; elles regrettent la ceinture mémorable où pendaient tant de poignards et de si beaux pistolets ; elles pleurent la mandoline défunte, le tromblon, tous les accessoires ; mais que le cor du mystérieux chasseur éveille une bonne nuit les échos de leur forêt de Paris, vous les verrez tressaillir ou se pâmer.

C’est la peur. Oui certes, c’est la peur. Mais, je le répète, il est doux de trembler. La peur contient un charme. Moi qui vous parle, quand j’étais enfant, j’allais avec passion partout où j’espérais avoir peur. Or la Parisienne n’a qu’une prétention, c’est d’être jusqu’à sa quarantième année le plus charmant enfant qui soit au monde.

Il était jeune, ce grand chef, on le disait : tout jeune et d’autant plus terrible. On disait encore que c’était presque un vieillard, rompu à toutes les habiletés du crime. Le vrai, c’est qu’il avait trente-cinq ans : l’âge des rôles de Mélingue : le front large et pâle, l’œil froid, mais si brûlant ! la barbe noire, la