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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/91

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taille haute, la main blanche, le nez aquilin, le pied petit, les sourcils arqués et tranchés comme une incrustation d’ébène dans de l’ivoire. Palmer, c’était son nom, ou plutôt Cordova, peut-être Rosenthal. Bâtard de grande maison, selon toute apparence : les erreurs de Mme la duchesse ont produit de superbes voleurs.

Non pas cependant. C’était un fils du peuple, Gaulois de la tête aux pieds, vivante protestation de la misère : une figure riante et hardie, couronnée de cheveux blonds et bouclés. Joli homme, audacieux, galant, un peu brutal. Cela ne messied pas aux blonds ; c’est une surprise.

Erreur ! une face de boule-dogue ! John Bull et Duguesclin ! poings carrés, nez fendu, longues oreilles, poil ras, dents de loup !

Il demeurait dans une cave, quelque part. La cave a remplacé le souterrain, depuis que chaque mètre du sous-sol parisien vaut le prix d’un arpent d’autrefois. On faisait des descriptions de sa cave. N’y avait-il pas plus de vraisemblance pourtant à supposer qu’il habitait une carrière ? Il y a où mettre des milliers de romans dans le ventre de la butte Montmartre. Clamart est bon aussi, aussi Montrouge, Arcueil et Villejuif. Mais cela vaut-il, pour un commerce pareil, un appartement garni de six mille francs par mois, rue Richelieu ou place Vendôme ? Un prince à la cave, quelle extravagance !

Il était donc prince ? Il n’y a certes point de voleurs parmi les princes, mais il y a beaucoup de princes parmi les voleurs. Il était prince, beau prince, bon prince, prince attelé à la Daumont ; autant de princesses que de chevaux ; le prince Palladio, le prince Wittenstein, le prince Demovoï, un Romain, un Germain, un Slave.