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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/140

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L’envie de se porter candidat vient facilement aux gens en cette saison. Étant de loisir, vous allez faire un tour à la campagne. La conversation glisse de la pluie à la politique. On parle candidat.

— Tiens, au fait, pourquoi ne vous présenteriez-vous pas dans notre comté, vous dit votre interlocuteur ; je me charge de vous faire élire.

On en cause. Tant que vous vous faites prier pour accepter la candidature, tout le monde est en votre faveur.

— Présentez-vous donc, vous dit-on, vous n’aurez que la peine de vous rendre au chef-lieu, le jour de la Nomination. Ce sera fait en un tour de main.

Vous vous laissez persuader et vous posez votre candidature dans un discours bien senti.

À l’instant vous perdez toutes vos chances. Vos plus zélés partisans se refroidissent, vos plus solides appuis hochent la tête. Les obstacles, voilés jusqu’ici, apparaissent tout-à-coup :

— Qui aurait pu prévoir, s’écrie-t-on, que la paroisse de B. serait contre vous ; et ce diable de V. quelle mouche l’a piqué de vous faire opposition ?

Règle trop invariable : l’homme qui ne se présente pas a toujours plus de chances d’être élu que celui qui se présente.

On oppose sans, cesse aux candidats les ombres de gens qui resteraient sur le carreau s’ils tentaient l’épreuve électorale ; mais ils ne la tentent pas et on les croit tout-puissants.

Bon nombre d’électeurs sont épris de l’idée d’avoir pour représentant leur plus proche voisin, ou tout au moins un de leurs co-paroissiens, ou bien enfin un enfant du comté.

Il n’y a pas de mal à cela si le voisin est intelligent et au fait de la chose publique, ou si l’enfant du comté est un homme trempé pour être député.

Mais il ne suffit pas d’avoir vu le jour dans un comté pour être son représentant-né. À ce compte-là, qui ne serait pas le