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Page:Feydeau - Le Juré, monologue, 1898.djvu/21

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devaient tuer l’amant de leur femme, ah ! bien, où serions-nous ?…"

Mon valet de chambre, lui, c’est tout le contraire. "Moi, m’a-t-il dit, j’acquitterais ! Parce qu’un mari qui pour se venger de l’amant de sa femme ne regarde pas à tuer un huissier, je trouve ça très crâne ! "

Eh bien ! c’est mon valet de chambre qui a raison. D’abord, un huissier ! Est-ce que vous croyez que l’on sera vraiment bien malheureux parce qu’il y aura un huissier de moins sur la terre ?

Quant à ce mari, pourquoi est-ce qu’on lui prenait sa femme ? S’il y tenait, lui, à sa moitié ! Ah ! nous serions au temps de Salomon, parbleu ! on lui aurait coupé sa femme en deux ; on en aurait donné une partie à l’amant, une partie au mari et on lui aurait dit : "Voilà, vous tenez à conserver votre moitié, eh bien ! emportez votre moitié ; et laissez-nous tranquilles ! " Le mari n’aurait rien eu à réclamer, mais aujourd’hui ce genre de jugement n’est plus dans les mœurs.

Aussi je déclare que ce mari n’est pas condamnable et, si j’étais l’avocat, je le prouverais au tribunal. "Non, messieurs, leur dirais-je, vous ne pouvez pas condamner cet homme comme criminel, car qu’est-ce que le crime ? Un homicide volontaire. Eh bien ! envisagez la situation. D’un côté cet homme a voulu tuer l’amant de sa femme ! oui !… mais il ne l’a pas