Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/536

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion avec leur chambre à coucher, laissèrent la porte ouverte, mettant le poêle « à la petite marche », et se couchèrent ensuite.

Le poêle était bien ajusté dans la cheminée de ce dernier, dont le foyer était hermétiquement bouché par une plaque spéciale. Tout paraissait donc disposé comme les jours précédents.

Les époux X… s’endorment. Par suite de circonstances spéciales, on les croit à la campagne, et c’est seulement le lundi, à midi, c’est-à-dire après trente-huit heures, que, soupçonnant un accident, on se décide à enfoncer la porte. M. le Dr Guinard, chef de clinique de M. Verneuil, d’abord appelé en toute hâte, trouve M. et Mme X… étendus dans leur lit, et ne donnant plus signe de vie. Cependant la respiration artificielle et la flagellation firent reparaître le pouls, et quelques faibles mouvements respiratoires.

Grâce à une bonne médication, le danger immédiat paraissait conjuré, quand, à trois heures et demie, M. Verneuil vit les deux asphyxiés, qui étaient encore sans connaissance et dans un état complet de résolution et d’insensibilité. Mme X… reprit ses sens le même jour, vers cinq heures. M. X…., au contraire, resta dans le coma jusqu’au lendemain matin ; mais il est à remarquer que son lit était beaucoup plus rapproché du poêle et sur le trajet de communication des deux pièces. Lorsqu’on pénétra dans la chambre, le lundi, le poêle était complètement vide, tout le charbon était consumé.

Les deux malades échappèrent à la mort, mais le rétablissement fut lent, et traversé par divers accidents.

Tout porte à croire que si les secours énergiques et prolongés avaient tardé davantage à se produire, les époux X… auraient péri tous les deux.

Après la lecture de cette observation de M. Verneuil, le Dr Lancereaux, rapporteur de la commission, crut devoir résumer la discussion, et faire connaître de nouvelles observations d’accidents d’empoisonnement, dus aux mêmes causes.

Le Dr Lancereaux commence par établir que tous les membres de l’Académie paraissent d’accord pour reconnaître les dangers que présentent les poêles mobiles. Le seul point sur lequel les opinions diffèrent, est celui de savoir si l’industrie des poêles à combustion lente doit être abandonnée à l’initiative privée, ou soumise à une réglementation administrative.

Dans un État civilisé, dit le Dr Lancereaux, le devoir de l’administration supérieure est de s’occuper du bien général, même au détriment des intérêts particuliers, et de garantir, dans la mesure du possible, la santé publique. Or, le poêle mobile est dangereux, non seulement pour les personnes qui l’emploient, mais encore, dans une même maison, pour le reste des habitants.

Il ne s’agit donc pas ici d’un simple danger privé, mais, dans quelques circonstances, au moins, d’un véritable danger public. S’il en est ainsi, n’y a-t-il pas lieu d’exiger, pour la construction et la pose d’un poêle mobile, des mesures telles qu’il ne puisse nuire aux personnes qui ont eu le bon esprit de s’en priver ? L’administration n’intervient-elle pas, chaque jour, et avec raison, dans des questions d’hygiène, qui, comme celle qui nous occupe, appartiennent tout autant au domaine de l’hygiène privée qu’à celui de l’hygiène publique ?

Après une liberté, pour ainsi dire absolue, accordée à la construction des cheminées, l’administration n’a-t-elle pas cru devoir réglementer, il y quatorze ans, cette même construction, prescrire le système unitaire, et exiger que chaque cheminée, ait son conduit distinct, tant pour éviter les dangers d’incendie, que ceux pouvant résulter du refoulement des gaz d’une che-