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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/113

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— Je te compte cinq cents livres dans cette bourse, dit Monseigneur. Je suis désolé de partir demain pour Rome. Je t’aurais reçue de nouveau avec tant de plaisir ! Mais il faut nous quitter, et peut-être pour toujours. Viens m’embrasser une dernière fois.

Raton se précipita et baisa les mains qui glissaient la bourse dans sa gorge. Puis elle resta longtemps tenant ses lèvres pressées contre les lèvres de Monseigneur.

— Que n’ai-je, dit-il en soupirant, ton portrait et celui de Catherina pour les joindre à celui-ci ! Si je ne partais, je t’eusse fait peindre, non pas en Marie l’Égyptienne, qui était vieille et édentée, mais en Marie-Madeleine qui répand les ondes dorées de sa belle chevelure. Adieu, Raton ! Adieu, mon enfant !…

Monseigneur l’éloigna doucement de la main pour mettre terme à une effusion qui menaçait de ne devoir finir. Raton partit en se retournant plusieurs fois. Comme elle fermait la porte, elle entendit grelotter l’air de Pergolèse que Monseigneur remontait dans sa boîte. Quand elle fut en bas, avant de reprendre le fiacre qui l’attendait, elle leva les yeux vers les fenêtres et aperçut M. de Bernis qui l’épiait à travers les rideaux. Elle osa lui envoyer un baiser et se jeta dans le fond de la voiture, toute confuse et palpitante. Elle passa son temps à revivre les deux heures qu’elle venait d’employer et à se