Aller au contenu

Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de manifester sa constance en la suivant à la course. C’était encore faire beaucoup d’honneur à M. Poitou ; irrités de la mauvaise humeur qui nourrissait sa faconde, les deux hommes l’avaient accosté et regardé de travers sans mot dire. M. Poitou leur trouva des épaules éloquentes et tourna le dos sans dignité pour regagner l’inviolable asile de M. le Duc.

Raton lut le nom des rues pour se distraire. Il faut, se dit-elle, que la Providence m’ait conduite dans la Grande Ville en vue de l’accomplissement de ses volontés. Ne suis-je pas descendue du coche de Caen vis-à-vis les Filles-Dieu, et n’allé-je pas compléter ma dot rue Saint-Sauveur, que je ne quitterai, selon toute vraisemblance, que pour me rendre au Carmel ? Mais pourquoi faut-il que ce vestibule du Paradis se trouve justement rue d’Enfer ? Ne serait-ce pas pour nous rappeler que le Malin sème ses embûches jusqu’à la porte du Ciel ? Un faux-pas, et nous la manquons au moment que nous croyons l’atteindre. Telle est notre faiblesse ; telle est aussi notre témérité. Non, je ne m’endormirai pas dans cette tranquille assurance, ô Divin Maître, même quand mes travaux m’auront fait accepter parmi les épouses de votre maison. Je ne cesserai, au contraire, de vous manifester mon amour en tirant sans relâche l’aiguille de la