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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/239

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— Soit, dit l’abbé. Je jouerai pour ce M. de Mazan. Ne fais-je pas tout ce que tu me demandes ? Pourtant, je voudrais que, par un miracle du Ciel, qui a parfois de l’esprit, tes débauchés sortissent marqués de ridicule, comme il advint à certain préfet dont parle bienheureux Jacques de Voragine. Il convoitait les servantes de sainte Anastasie : Agapète, Irène et Théonie. Afin d’assouvir sa luxure, il les fit enfermer dans leur cuisine en attendant l’obscurité. Mais Dieu lui ôta la raison : croyant caresser les trois vierges, il couvrit de baisers les chaudrons et les poêles. Rassasié, il regagna sa maison. À le voir couvert de suie, ses esclaves le prirent pour un démon, le bâtonnèrent d’importance et s’enfuirent. Le luxurieux alla porter plainte à l’empereur, mais, sur son passage, les uns le frappaient de verges, les autres le couvraient de fange et d’ordure. J’en connais qu’une pareille exposition à la risée de Paris guérirait de leurs vices pour toujours.

Incrédule, la Mère haussa les épaules, fit venir l’Attisée, la Grasse, la Pâle et la Boiteuse. Elle les mit au courant de la demande qu’elle venait de recevoir et leur ordonna de se prêter au bon plaisir d’un gentilhomme de qui le ton cavalier garantissait la munificence. Elles oublieraient et les leçons de maintien et le parler châtié qui leur coûtait plus d’application à polir et