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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/240

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conserver que le brillant de leurs ongles ; elles pourraient s’enivrer dans la juste mesure où l’on garde assez d’empire sur soi-même pour l’étendre encore aux autres.

Quant à Raton, la Mère ne jugea pas utile de la prévenir ni de lui enseigner son rôle. D’ailleurs, elle se chargea de la montrer au visiteur en figure de Madeleine, ce qui parut le satisfaire au point qu’il ne jeta qu’un regard inattentif sur les portraits des comparses, et qu’il versa cinq cents livres sans sourciller pour agir à son caprice en vidant quelques carafes.

La Chambre de Torture où fut conduit M. de Mazan par des porteuses de torches revêtues de cagoules était une ancienne cave voûtée où la pierre se voyait à nu, et qu’éclairait ordinairement une lampe fumeuse, fichée dans un joint de ciment. Mais, en l’occurrence, elle se trouvait illuminée plus qu’à demi par quelques flambeaux de table que réfléchissaient des stalactites assez peu naturelles. Il subsistait, néanmoins, des coins obscurs où se distinguaient des corps étendus sur des civières ou roulés par terre dans des haillons, des têtes livides et des mains crispées, simulacres de cire qui ne laissaient pas de produire leur effet sur les esprits portés à le désirer. On y voyait encore, dans une pénombre propice aux faux-semblants, des vampires écartelés aux quatre coins des murs, des chaînes, des cercueils dressés,