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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/253

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— Monsieur, dit l’abbé, les mystiques nomment cautère, et par analogie épithème, le remède qu’emploie l’amour pour guérir les plaies qu’il a faites à l’âme, et que l’on appelle touches divines. Mais entendons-nous derechef : à la vérité, Monsieur, ce remède ne guérit l’âme qu’en entretenant ses blessures, de façon que l’âme ne soit plus qu’une plaie universelle. Alors, toute changée en plaie d’amour, l’âme est guérie… Connaissez-vous, Monsieur, le cantique de saint Jean de la Croix qui célèbre les agréments doux-amers de ce cautère :

O cauterio suave !
O regalada plaga !
O mano blanda ! O toque delicada !…

— Tout cela est fort curieux, interrompit M. de Mazan, et je me sens une furieuse propension mystique. Ça, verse à boire, l’Abbé, Tonnerre de Dieu !… Si je ne t’avais vu sabler en cachette, tu aurais droit à un verre, et, de plus, je crains que tu ne sois ivre trop tôt.

« Mais vraiment, continua-t-il, en prenant Raton sur ses genoux et la berçant traîtreusement, puisque souffrir est un délice, et qu’il faille être remise sur la Croix du Sauveur pour mériter ses caresses, que ne referions-nous ici, où les croix ne manquent point, le tableau de la