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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/305

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représenter notre Règle comme beaucoup plus rigoureuse que les nécessités de votre état, encore que je sache que Mme la Duchesse soit la douceur, la bonté en personne. Ici, tout est sacrifice. Il n’est plus de beauté, de coquetterie, ni d’autres soins que ceux qu’exige la décence élémentaire. Coucher tout habillée sur une planche, se relever au milieu de la nuit à des heures indéterminées, se soutenir par des légumes sans assaisonnement — je n’ose dire se nourrir, — se priver de feu au cœur de l’hiver, se macérer, se flageller ; enfin, passer la plus grande partie du jour dans le silence et la prière, telle est notre vie. Pourtant, la soumission ne sert de rien si vous n’aimez Dieu. L’on ne doit pas non plus l’aimer en égoïste, ni trop pour Lui-même ni pour soi. Encore vous faut-il l’aimer à travers ses créatures : aimer ses créatures au point d’endurer la souffrance pour celles qui pèchent et ne prient point, et, pour la plupart, nous méprisent. Feu le Grand-Roi lui-même, parlant à Monsieur, ne nous traita-t-il pas de « friponnes, d’intrigueuses, de ravaudeuses, de brodeuses, de bouquetières et d’empoisonneuses ?… » Mais que dis-je, endurer ! Cette souffrance, nous la souhaitons, nous l’appelons, nous l’exigeons à grands cris ! Oui, ce sont nos délices, à nous, que d’être frappées dans notre propre chair et dans nos os des infirmités les plus douloureuses et les