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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/34

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percherait dans l’ormeau et n’en descendrait que pour se nourrir de plantain. Ainsi, elle ne coûterait rien à personne. Elle enchanterait sa nourrice qui repassait ou qui filait en laissant pointer son fuseau par la fenêtre ouverte. Elles auraient conversation. L’une ferait : tu tu tu tu ! l’autre, fi fi fi fi !… Elle se promit de revenir sur ces détails quand elle serait seule dans son lit, et elle se moucha pour montrer à M. Poitou qu’elle s’occupait de quelque chose qui n’était ni la dispute du Petit-More, ni les baisers qu’elle avait repoussés, ni son linge qui se trouvait gâté, ni la belle pomme qu’elle eût mangée, dans sa chambre, en pensant à sa nourrice, au verger, au puits, à la haie d’épine-vinette où l’on mettait le linge à sécher.

— C’est ici, dit Poitou d’un ton sec et changeant la malle de bras. Maintenant, Mademoiselle Raton, tâchons à nous taire et à marcher droit, sans quoi vous auriez de nos nouvelles !…

— Maquereau, Mesdames ! V’là l’maqu’reau qui n’est pas mort !… Il arrive, il arrive, le maquereau !… lança derrière eux une voix poissarde.

Raton poussa un petit cri : M. Poitou venait de la pincer jusqu’au sang. Elle osa lever les yeux vers lui, et ses yeux se remplirent de larmes : M. Poitou avait l’air terrible…